Introduction
Le droit à l’image en France est un principe juridique fondamental qui protège toute personne contre l’utilisation non autorisée de son image, mais il s’étend aussi à l’architecture, aux biens privés, aux trains et à d’autres objets photographiés. Ce droit est encadré par des textes précis et une jurisprudence abondante.
Droit à l’image des personnes
- Toute personne a le droit de s’opposer à la captation, à l’utilisation ou à la diffusion de son image sans son consentement, en vertu de l’article 9 du Code civil et de l’article 226-1 du Code pénal.
- Photographier une personne dans un lieu privé ou diffuser son image sans accord est passible de sanctions pénales (jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).
- Sur la voie publique, la prise de vue est tolérée si la personne ne s’y oppose pas expressément alors qu’elle a conscience d’être photographiée. Le consentement peut être présumé en l’absence de refus clair.
- La diffusion de l’image (publication, réseaux sociaux, etc.) nécessite toujours l’accord de la personne si elle est identifiable.
Droit à l’image et architecture
- Les œuvres architecturales originales sont protégées par le droit d’auteur (articles L112-3, L122-3 et L111-3 du Code de la propriété intellectuelle).
- Il est interdit de reproduire ou d’exploiter commercialement l’image d’un bâtiment protégé sans l’accord de l’architecte ou de ses ayants droit, sauf si le bâtiment est tombé dans le domaine public.
- Exception : la théorie de l’accessoire permet la reproduction d’un bâtiment si celui-ci n’est pas le sujet principal de la photo (ex : il apparaît en arrière-plan).
- Certains domaines nationaux (ex : Chambord, Louvre, Élysée) nécessitent une autorisation préalable pour toute utilisation commerciale de leur image.
Droit à l’image et propriétés privées
- Le propriétaire d’un bien immobilier ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de son immeuble, sauf si l’utilisation de cette image lui cause un trouble anormal ou porte atteinte à sa vie privée.
- Il est recommandé de demander l’accord du propriétaire avant toute exploitation commerciale de l’image d’une propriété privée, surtout si la prise de vue n’a pas été réalisée depuis la voie publique.
Droit à l’image et trains / lieux ferroviaires
- Les prises de vues à but non professionnel sont en général autorisées dans les gares et sur la voie publique, à condition de ne pas gêner les voyageurs ou le personnel.
- L’utilisation de trépieds, d’éclairages ou de flashes peut être restreinte dans les gares.
- Les photos prises dans les musées ferroviaires ou sur des propriétés privées peuvent être soumises à des règles spécifiques ou à l’autorisation du gestionnaire.
- Pour toute utilisation commerciale ou professionnelle (publicité, presse, etc.), une autorisation formelle de la SNCF ou du gestionnaire du site est nécessaire.
Synthèse et conseils pratiques pour les photographes
- Toujours distinguer la prise de vue (captation) de la diffusion (publication, vente, exposition).
- Obtenir le consentement écrit des personnes identifiables, surtout pour une diffusion publique.
- Se renseigner sur le statut des bâtiments (protégés par le droit d’auteur ou non).
- Demander l’accord du propriétaire pour les propriétés privées, notamment en cas d’exploitation commerciale.
- Respecter les règlements spécifiques dans les gares, musées ou sites privés.
- En cas de doute, privilégier la prudence et solliciter des autorisations écrites.
Le droit à l’image en France est strict et vise à protéger la vie privée et les droits des créateurs. Les photographes doivent donc être vigilants à chaque étape de leur démarche, de la prise de vue à la diffusion de leurs images.
Exemples de jurisprudence sur le droit à l’image en France
Droit à l’image des personnes
- Cass. Ch. civ 1, 15/01/2015 : La diffusion de l’image d’un fonctionnaire de l’administration des impôts en train de procéder à un contrôle fiscal, sans son consentement, constitue une atteinte au droit à l’image.
- Cass. Crim., 16 mars 2016 : La diffusion sur Internet de photos intimes d’une personne, même prises avec son consentement, sans autorisation pour la diffusion, est condamnée pénalement.
Droit à l’image des biens immobiliers
- Arrêt « Hôtel de Girancourt », Cass. 7 mai 2004 n°02-10450 : Le propriétaire d’un bien ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci. Il ne peut s’opposer à la diffusion de l’image de son bien que si cela lui cause un trouble anormal.
- Affaire du Moulin Rouge : La vente d’objets reproduisant la façade du Moulin Rouge n’a pas été considérée comme un trouble anormal pour le propriétaire, qui n’a donc pas obtenu gain de cause.
Droit à l’image et architecture
- Exception de panorama : Depuis la loi du 7 octobre 2016, il est possible de photographier et de diffuser, sans autorisation de l’auteur, l’image d’une œuvre architecturale située dans l’espace public, à condition que l’utilisation ne soit pas commerciale.
Précédent Café Gondrée
- Café Gondrée : Initialement, la Cour de cassation avait jugé que la commercialisation de photos d’un immeuble sans l’accord du propriétaire pouvait porter atteinte à son droit de jouissance, mais cette position a été assouplie par la suite, notamment avec l’arrêt « Hôtel de Girancourt ».
Photographie de rue sans consentement : gestion par la jurisprudence
Prise de vue
En France, la jurisprudence distingue clairement la prise de vue de la diffusion. Il est légal de photographier des inconnus dans la rue sans leur consentement, la voie publique étant un espace où la prise de vue n’est pas interdite. Aucun texte n’interdit de prendre des photos dans un lieu public, tant que cela ne porte pas atteinte à la dignité ou à la vie privée de la personne.
Diffusion de l’image
La diffusion (publication, exposition, mise en ligne) de la photo est soumise au droit à l’image. La jurisprudence considère que la publication sans consentement d’une personne identifiable peut constituer une atteinte à sa vie privée, même si la photo a été prise dans un lieu public. Les tribunaux peuvent ordonner le retrait de l’image, la suppression sur les plateformes et condamner le photographe à des dommages et intérêts.
Équilibre avec la liberté d’expression
Depuis un arrêt de la Cour d’appel de Paris en 2008, la jurisprudence admet que le droit à l’image peut céder devant la liberté d’expression artistique, sauf si la publication porte atteinte à la dignité de la personne ou lui cause un préjudice grave. Ce principe s’applique surtout aux œuvres à caractère artistique ou informatif, mais reste soumis à l’appréciation du juge au cas par cas.
Sanctions
La diffusion non autorisée expose à des sanctions civiles (dommages et intérêts, retrait de l’image) et, dans certains cas, pénales (amendes, voire emprisonnement en cas d’atteinte grave à la vie privée ou à la dignité).
Résumé
- Prendre une photo d’un inconnu dans la rue est autorisé.
- Diffuser cette photo sans consentement peut être sanctionné, sauf justification artistique ou d’intérêt général appréciée par le juge.
- La jurisprudence recherche un équilibre entre droit à l’image et liberté d’expression, mais la prudence reste de mise pour les photographes.
Ces jurisprudences montrent l’évolution du droit à l’image en France, qui tend à protéger la vie privée et les droits des personnes, tout en limitant les restrictions sur l’image des biens et des œuvres architecturales, sauf en cas de trouble anormal ou d’usage commercial non autorisé.
Nouveautés …
2025 janvier – Murielle Cahen Cabinet d’avocats Paris
La principale nouveauté concernant le droit à l’image en France est la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, publiée au Journal officiel du 20 février 2024. Cette loi apporte plusieurs modifications importantes au Code civil pour mieux protéger les enfants sur les réseaux sociaux.
Principales dispositions de la loi du 19 février 2024
- La protection de la vie privée de l’enfant est désormais explicitement intégrée dans les prérogatives de l’autorité parentale (article 371-1 du Code civil)
- Les parents doivent protéger en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect de sa vie privée
- Un parent ne peut plus publier ou diffuser l’image de l’enfant sans l’accord de l’autre parent
- En cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, le juge aux affaires familiales peut intervenir et interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent
- Si la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, un tiers ayant recueilli l’enfant peut demander au juge de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant
Autres évolutions récentes
- Les pouvoirs de la CNIL ont été renforcés concernant les atteintes aux droits et libertés des mineurs. Le président de la commission peut désormais demander, par la voie du référé, à la juridiction compétente d’ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde de ces droits lorsque ces atteintes sont graves et immédiates
- La réglementation concernant les plateformes en ligne a également évolué, notamment avec la loi du 19 octobre 2020 et le décret n°2022-727 du 28 avril 2022, qui encadrent plus strictement la diffusion des images des enfants de moins de 16 ans sur des plateformes de vidéos en ligne
Cette législation représente une avancée significative dans la protection des enfants dans l’espace numérique, en réponse à l’explosion des réseaux sociaux et à la numérisation croissante de la vie privée.